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-DOSSIER

la famine et le CHANGEMENT DE CLIMAT

DE 169I A 1709

Depuis l'automne 1691, la France subit un dérèglement des températures et des précipitations. A Paris, il a gelé 15 jours en novembre 1691, 19 jours en décembre, 27 jours en janvier 1692, 18 jours en février. Résultat : les céréales poussent mal et avec retard ; les travaux des champs sont ralentis.

 En six mois, de janvier à juin 1694, il ne tombe que 94 mm de pluie sur la capitale contre 252 mm et 303 mm en 1692 et 1693. A plusieurs reprises au printemps 1694, les marchands n'apportent ni blé, ni seigle, ni orge aux halles de Paris, attisant le mécontentement populaire. Les scènes de pillage se multiplient aux environs de la capitale.
Par bonheur, les pluies reviennent enfin et la récolte de l'année 1694 se révèle meilleure.


Les conséquences démographiques de ces deux années de " stérilité ", comme on dit à l'époque, ont été dramatiques. Les pertes humaines provoquées par la faim, la maladie et les épidémies (typhoïde, scorbut, ergotisme, etc.) qui se sont abattues sur des corps affaiblis ont été chiffrées essentiellement à partir des registres paroissiaux.


Au terme d'une rigoureuse analyse, Marcel Lachiver décompte 2 836 800 habitants disparus en deux ans, soit 1,3 million de plus qu'au cours de deux années " moyennes ", dans une France qui regroupe alors environ 20 millions d'âmes. Au total, la crise de 1693-1694 aura provoqué presque autant de victimes que la guerre de 1914-1918, mais en deux ans au lieu de quatre et dans un pays deux fois moins peuplé.


Marcel Lachiver conclut: " Au risque de paraître iconoclaste, on peut affirmer que la France n'a jamais connu, depuis trois siècles, de catastrophe démographique analogue à celle de la fin du XVIIe siècle siècle. Ni les guerres de la Révolution et de l'Empire (1350 000 morts en vingt-trois ans, dans une France de 30 millions d'habitants), ni évidemment la guerre de 1870, ni celle de 1939-1945 n'ont provoqué autant de morts en si peu de temps.)

La Bretagne, dotée par ailleurs d'un climat relativement privilégié, l'Est et le Sud-Est furent moins touchés.

Il faudra attendre les années 1705-1706 pour que les pertes des années 1692-1694 soient effacées.

Tout se détraque de nouveau à la fin de l'année 1708. Après un automne rigoureux, la chute de la température dans la nuit des Rois, en janvier 1709, est impressionnante : il faisait + 10,7 °C le 5 janvier à Paris, et - 3,1 °C le lendemain 6 janvier.

Ce froid intense se prolonge jusqu'à la fin du mois de mars. On mesure - 20 °C en moyenne dans l'Ile-de-France en janvier et février.

Source :EXTRAITS DU DOSSIER LE CLIMAT DEPUIS 5 000 ANS revue  L'HISTOIRE T 842 - Nos  257 L'AUTEUR Joël Cornette • Professeur à l'université Paris-VIII-Vincennes-Saint-Denis

Professeur d'histoire à l'université Paris-VIII- Vincennes Saint-Denis, Joël Cornette est membre du comité de rédaction de L'Histoire. Il a notamment publié Les Années cardinales (Armand Colin/ Séries, 2000) et La Monarchie, entre Renaissance et Révolution (Le Seuil, 2000).