LES ANTECEDENTS DE NOTRE INDUSTRIE TEXTILE
"La fortune de la ville"
On peut considérer le Xe siècle comme point de départ des industries locales.
Saint-Quentin, dès le XIIe siècle, possède une industrie textile qui fait vivre bon nombre d'habitants et dont la charte fait mention.
La sayetterie
La principale production est la sayetterie, nom donné à l'ensemble des tissus : serges et croisés, toutes étoffes de laine filée au rouet (appelé sayette) mais très légères et destinées aux classes pauvres.
Le camelot est un mélange de laine, de soie, de fil et de poils de chèvre.
Cette activité se double de la fabrication de toiles de lin ou de chanvre.
La qualité des tissus est sévèrement contrôlée. Les corporations désignent des experts ou "égards" qui jugent de la valeur de la fabrication, découvrent toute malfaçon dans le foulage, le cardage, le tissage ou la teinture des laines.
Toute fraude se voit sanctionnée : les mesures prises vont de l'amende à la destruction de la pièce défectueuse ou les deux à la fois.
Ainsi, la qualité de ce qui se vend est-elle assurée pour l'acheteur d'autant plus sûrement qu'à la halle aux draps d’autres égards sont présents aux ventes et assistent les préposés : le clerc et un Mayeur spécial.
Les foires
En conséquence, les tissus de Saint-Quentin s'achètent jusque dans les foires de Brie ou de Champagne.
Les droits de péage sont un obstacle auquel le conseil municipal s'efforce de remédier par des accords avec les différents receveurs de ces taxes.
La ville possède donc une aristocratie qui doit son aisance au textile. Sa richesse s'extériorise surtout par une garde-robe abondante plus encore que par l'aménagement extérieur ou intérieur des demeures. Les marchands utilisent aussi leur argent à acheter des terres qu'ils louent aux fermiers contre une redevance en nature.
La ville est prospère ; pourtant, au début du XIIIème siècle, à la suite d'un relâchement de la réglementation des tissus, l'industrie périclite mais, la commune reprenant ses prérogatives, la situation s'améliore. Jusqu'au XVIe siècle, la ville fait partie de la Hanse et fournit des étoffes aux comptoirs de Londres.
Au XVIème siècle, l'industrie lainière, qui avait fait les beaux jours de Saint-Quentin, décline, Le siège de 1557 lui porte un coup fatal. Cependant une autre fibre remplace celle qui perd la première place : le lin succède à la laine, qui, d'ailleurs, essaie plusieurs fois de se réimplanter au XVIIème siècle.
La mulquerie
Mais la mulquerie ou mulquinerie (batistes et linons) a détrôné la sayetterie. Elle existe dès avant 1557 mais connaît une faveur croissante vers 1570. Cette spécialité flamande devient la spécialité de Saint-Quentin avec l'arrivée dans la ville de protestants venus des Pays-Bas appartenant à Philippe II, roi catholique qui persécute les disciples de la religion réformée.
Crommelin
Saint-Quentin bénéficie donc de l'arrivée de ces fabricants de toile. En particulier, il faut citer celle de Cromelick (Crommelin). Cet homme apporte en 1579 des techniques qui ont fait leurs preuves et surtout son esprit d'initiative. Il favorise la culture du lin dans la vallée, crée une blanchisserie de toiles. Sa famille est l'une des plus riches de la cité ; mais d'autres ont profité de l'essor de la mulquerie, dû au goût de l’époque pour les toiles fines. Elles sont en majorité protestantes et le sont sans ennuis car elles font la fortune de la ville Leurs revenus sont élevés et leur vie somptueuse. La Révocation de l'Edit de Nantes les fait partir ; certaines reviennent et forment une communauté bien distincte dans la ville.
L'industrie est avant tout familiale. Le filage et le tissage sont faits à domicile, en ville ou dans les villages d'alentour. Le fil de lin doit être travaillé en atmosphère humide, aussi les métiers sont-ils installés dans les caves ou celliers. La pièce écrue terminée, un prix est fixé après de rigoureuses vérifications concernant la longueur et la finesse, Le fabricant l'achète et la donne à blanchir dans sa " buerie " s'il en possède une. Il en existe par exemple dans le faubourg d'Isle à l'emplacement de l'ancienne abbaye, dans le faubourg Saint-Martin, à Oestres. On utilise des soudes, potasses, et cendres, puis on étend le tissu sur le pré où il est savonné, arrosé, reçoit un bain de lait puis est mis au bleu.
Le commerce est actif, On envoie les tissus dans tous les pays limitrophes : Angleterre, Hollande, Italie, Espagne, Portugal, et même jusqu'en Turquie et en Amérique. L'exportation enrichit les commerçants et la ville.
Pourtant, les règlements sont multipliés et entravent le développement de l'industrie.
Comme toujours, les guerres sont responsables de la mévente et de la baisse de production dans la seconde moitié du XVIIème siècle, Les ouvriers s'expatrient, Alors, Saint-Quentin lance sur le marché la mousseline de coton. Cette industrie ne connaît pas le même bonheur que la mulquerie qui, d'ailleurs, va retrouver toute sa prospérité après 1765, grâce à de nouvelles techniques, en particulier la création des gazes de fil. En 1770, une manufacture de tulles ouvre ses portes. L'année 1784 marque l'apogée de cette fabrication avec 170 000 pièces de linon. Robes et fichus de ce tissu habillent les dames de la Cour et Marie-Antoinette. Les toiles blanches saint-quentinoises sont demandées dans toutes les colonies.
Au XVIIIème siècle, on compte 2 amidonneries au faubourg d'Isle, 3 manufactures de savon noir (2 au faubourg d'Isle, 1 à Oestres), 21 moulins à vent, 5 moulins à eau (Brûlé, Becquerel, Garant, Oestres, Rocourt).
Un nouveau déclin se manifeste ensuite à la veille de la Révolution et continue à s'affirmer jusqu'au début du XIXème siècle. Les entraves dues aux corporations, aux règlements défavorisaient l'industrie, elles sont supprimées.
La Chambre Consultative des Arts et Manufactures est créée le 12 Germinal An XII.
La broderie occupe un grand nombre d'ouvrières. A cette époque, la mousseline de coton prend sa revanche et cette fois réussit à s'implanter solidement. Une filature est fondée par M. ARPIN en 1803 à Roupy, une autre s'ouvre à Saint-Quentin. Des tissages sont créés. Pourtant le gros du travail se fait encore à la campagne dans les caves.
Le Premier Consul encourage chaudement cette renaissance de la ville. Le Blocus continental facilite cet essor. Les productions se diversifient : calicots. piqués, mousselines, gazes, percales, et surtout elles augmentent.
Hélas les revers de l'Empire atteignent Saint-Quentin, à nouveau envahie en 1814.
Industries Alimentaires
La culture a toujours tenu une place importante dans l'économie locale ; la terre picarde possède une richesse naturelle que l'on a exploitée de tout temps.
La bière est fabriquée de longue date et au XIVe siècle sa production est contrôlée.
Au début du XIXème siècle, la culture de la vigne n'existe plus à Saint-Quentin ; par contre, elle subsiste dans les environs de Laon, Mais les pommiers abondent dans la campagne saint-quentinoise.
Les brasseries
Le cidre et la bière sont boissons courantes, On compte 19 brasseries dans l'arrondissement.
Les terres labourées (environ 86 000 hectares) se reposent un an (jachère) puis sont ensemencées en froment ou en seigle et l'année suivante en avoine ou en orge. On dénombre 46 moulins à eau et 177 moulins à vent pour moudre le blé.
En 1806, la Chambre consultative de St Quentin sollicite des primes pour l'amélioration de la race chevaline et ovine.
La betterave
La betterave remplace le lin depuis le début du 19ème siècle. Monsieur ARPIN crée une usine sucrière à Roupy dès 1813. Les sucreries s'installent à Saint-Quentin vers 1830 et une distillerie s'élève en 1834 à Rocourt ; elle appartient à Robert de Massy.
Le Comice agricole est fondé en 1830.
D'autres distilleries et fabriques de cidre prospèrent.
Le marché du sucre reste particulièrement actif et l'on compte 36 fabriques dans le district en 1836.
La première usine pour mouture date de 1816 ; la 2ème de 1817, la troisième de 1822. En 1853, la ville crée une halle aux farines.
En 1858, un marché aux sucres et alcools est ouvert, On trouve aussi des fabriques de chocolat, de jus de réglisse, d'huiles.
La betterave devient la plus importante culture.
Conséquences de la première guerre mondiale : les campagnes réduisent leur superficie de betteraves sucrières, les bombardements n'épargnent pas les distilleries ; il en résulte forcément un grave ralentissement des industries alimentaires locales.
A la fin des hostilités, l’idée de regrouper les industries sucrières se fait jour. De même, les brasseries se réunissent pour former "Les Brasseries Saint-Quentinoises".
L'effort de réorganisation se propage dans tous les secteurs de la vie économique et va en s'amplifiant jusqu'à la seconde guerre mondiale pour reprendre avec plus de réussite encore après 1945.
Les débuts de l'énergie électrique
Dès avant la guerre 14-18, la Compagnie électrique du Nord construit une ligne de 45 000 volts reliant Lens à Saint-Quentin.