1. HISTORIQUE DES GREVÉS ET DONNÉES CHIFFRÉES.

La période 1870-1914 est une période de grands changements.

Comme nous l'avons vu précédemment, les méthodes de travail, les cadences et la production s'intensifient, les conditions de travail et les regroupements sociaux échangent les mentalités et font prendre conscience aux ouvriers de la possibilité d'une force de négociation de ces conditions par la grève.

La ville de Saint-Quentin, par son rôle majeur dans l'industrie axonaise, est un reflet saisissant de la vague revendicative qui va déferler sur le monde du travail pendant ces 45 années.

Si l'on peut effectivement compter 103 grèves entre 1871 et 1914, le chiffre réel doit être supérieur, ce qui représente tout de même 29 445 grévistes pour 96 grèves connues.

Entre 1871 et 1890, la ville de Saint-Quentin représente un total de plus de 50 des conflits sociaux du département, 66 % des grévistes départementaux et 75 des journées chômées.

Pour l'étude de la période, nous allons la diviser en deux parties

-1870 / 1894, soit 41 grèves, 484 jours de conflits et environ 12 000 grévistes. -1894 / 1914, soit 62 grèves, 1342 jours de conflits et environ 17 500 grévistes.

Les conflits de 1871 à 1894.

De 1870 à 1883, nous n'avons que 10 grèves, 70 jours de conflits et environ

3 800 grévistes, car nous nous situons dans une période de reprise à partir de 1871 /1872 années où nous avons un seul conflit dans le domaine des apprêts de tissus. 1873 est marquée par deux conflits mineurs, puis de 1876 à 1883, 6 conflits dans le secteur textile ont été recensés ( dont 3 grèves de brodeurs ).

De 1884 à 1893, avec les regroupements professionnels, les conflits sont en augmentation - 31 grèves. - 414 jours de conflits. - environ 8 400 grévistes.

Cette période correspond aussi, comme nous l'avons vu dans chaque partie de cette recherche, à une phase de ralentissement. Elle est surtout marquée par les grèves dans le secteur textile à 96 %, dont 80 % de grèves chez les tisseurs.

En 1886, apparaît la première grève générale, qui dure 13 jours avec 1 500 grévistes, pour lutter contre la baisse des salaires qui durait depuis deux ans.

Sur la totalité de la période 1871 / 1894, le secteur textile aura concentré plus de 90 % des grèves.

- Les conflits de 1894 à 1914.

II y eut pas moins de 62 grèves, 1 400 journées et environ 17 500 grévistes. Par ces chiffres, on saisit bien toute l'intensification des conflits sociaux.

Malgré la période de calme relatif engendrée par une amorce de reprise économique pendant les années 1894 / 1899, marquée par seulement 4 conflits sociaux, cette période 1894/1914 est la plus revendicative.

L'année 1900 représente un tournant dans la lutte sociale, avec 20 conflits dont 13 dans le textile, 4 dans le bâtiment et 3 dans la métallurgie.

De 1901 à 1914, 35 conflits éclatent, non seulement dans le secteur textile, mais aussi dans les transports ( Tramway et chemin de fer), dans le secteur chimique et à nouveau dans le bâtiment et la métallurgie. La grande grève générale de 1910 réunit 3 500 personnes, elle a été décidée en solidarité pour soutenir le mouvement des cheminots, ce qui tend à démontrer que, malgré la multiplication des syndicats à l'intérieur même d'une branche de production, les mouvements syndicaux peuvent s'entendre pour des bases revendicatives communes

. Le secteur textile ne représente plus que moins de 60 % des conflits entre 1894 et 1914. La grande tendance est à l'augmentation du nombre de jours de grèves, entre 1871 et 1914, ce sont plus de 420 000 journées qui ont été chômées, soit le total des années 1871,1872,1873 et 1874 sur le plan national.