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Les faces de chapiteau qui sont en vis à vis entre les culs de lampe que nous venons de décrire sont ornées de scènes et d'animaux semblables à ceux que l'on trouve dans le fantastique moyenâgeux :

Les anges musiciens : La façade de l'Hôtel de Ville est découpée par 7 arcs ogivaux terminés par une sculpture de finition triangulaire appelée "écoinçon". L'intérieur de chaque écoinçon, sauf un, est orné d'un ange musicien. C’est un thème courant à l'époque (à l'extérieur du transept absidal sud, terminé par Colard Noël en 1493, quelques années avant l'hôtel de ville, on peut voir trois culs-de-lampe représentant des anges jouant de la viole, de la cornemuse et de la flûte double).

Les culs de lampe des contreforts nous montrent :

w Un groupe composé d'un homme tenant deux bêtes à cornes. Il pourrait s'agir d'une représentation du "gardien des boucheries", charge qui existait au Moyen Age. Il fait d'ailleurs face à l'élargissement du haut de la rue E.Zola où se trouvaient alors les bouchers.

w Un groupe représentant un jeune homme poursuivant, ou retenant, une femme qui tient une miche de pain. Ce groupe est orienté vers la rue E.Zola qui était autrefois la rue des boulangers.

w Une adolescente qui brûle d'un feu au derrière est chatouillée au pied par un petit diable lubrique tandis qu'un faune lui lèche la chevelure. Tout semble vouloir signifier qu'il s'agit de la "Petite Putain" qui tenait boutique dans une rue située derrière l'hôtel de ville qui s'appelait en 1404 la Ruelle de la Petite Putain avant de devenir la Rue du Petit Butin.

w Un groupe composé d'un homme et d'un singe. Il s’agit d’un homme d’âge mûr. Un singe le suit. Ce personnage magnifique demeure anonyme et mystérieux.

Contre le mur du fond des arcades, et soutenant les départs d'arcs, on peut voir huit culs-de-lampe dont l'inspiration générale semble être un témoignage de la vie locale.

w La transmission de la charte : On y voit un noble, tête nue, reconnaissable à l’épée qu’il porte (cassée) et un bourgeois, en chapeau. Derrière eux se déroule un parchemin, symbolisant vraisemblablement la charte communale.

w Deux petites figurines représentant des adolescents semblant répondre comme en écho au noble et au bourgeois de la scène précédente, mais de façon populaire et grossière. Elles représentent un jeune écuyer, richement vêtu et un jeune vilain montrant son cul.

w Les joueurs : Scène à deux personnages assis l’un devant l’autre

w La tonte de la truie.

w Le repas : Sujet assez banal, mais la présence du parchemin, toujours symbole de la charte, pose problème. Une explication possible est qu’il était d’usage que le châtelain du comté offre un banquet annuel aux échevins de St-Quentin. Si ce châtelain se montrait trop pingre, les échevins pouvaient se plaindre au roi qui obligeait le châtelain à rendre un autre banquet.

w Le fermier : Un homme mène un taureau. Un coq lui court entre les jambes.

w Le grainetier.

w Les essarteurs : Ces hommes sont occupés à dessoucher, pratique sûrement réglementée car le parchemin présent derrière eux fait encore référence à un écrit.

w Les vendanges : On cultivait la vigne et on vendangeait à St-Quentin. Les vignes étaient situées du côté du Chemin de Noirmont. Elles disparurent après le XIVème siècle.

Culs de lampe sous les niches du 1er étage : Les 8 trumeaux situés entre les fenêtres du premier étage sont occupés par des niches vides soutenues par des culs-de-lampe représentant des scènes dont l’interprétation est parfois malaisée. On y trouve :

w Le braconnage 

w Le viol 

w Le voyage en enfer : Un diable gastrocéphale (une tête sur le ventre) aux ailes de chauve-souris, (représentation traditionnelle au Moyen Age), entraîne un homme en enfer.

w L’Ange tenant les armoiries de St-Quentin : Sculpture récente. Il est impossible de dire de quand date ce cul-de-lampe, s’il est contemporain d’une restauration ou s’il est dû à des réparations postérieures à la guerre 14/18.

w L’homme dans la marmite.

w Le commerce du sel : Le sel était une denrée chère dont le commerce était étroitement contrôlé par le pouvoir royal qui prélevait la "gabelle".Or, en 1396, Philippe de Valois supprime la gabelle à Saint-Quentin. Un tel événement, obtenu sur la réclamation des habitants, méritait d’être célébré.

w Le diable scié en deux par deux femmes.

w Le duel : Le duel judiciaire était reconnu dans la charte de 1195. On sait aussi que Saint Louis abolit le combat judiciaire et que la ville de Saint-Quentin fut la première à abandonner cette prérogative, mais des duels eurent cependant lieu et le roi, en 1240, frappa la commune d’une amende de dix mille livres parisis, somme énorme pour l’époque. Cela n’a sûrement pas manqué de frapper les esprits, en plus de la bourse.

Les sculptures de la balustrade : Les quatre gargouilles et les petits animaux qui sont sur le bord supérieur de la balustrade sont relativement récentes puisqu’elles appartiennent à la partie de l’édifice qui a le plus souffert des restaurations.

Les figurines des arcades sont certainement les plus anciennes sculptures de la façade, sans doute réalisées dès l’origine, et certaines sont très abîmées par les intempéries On peut distinguer plusieurs sujets :

w Les représentations humaines : Deux personnages importants et un troisième semblant jouer au bilboquet, le thème du vin  (le tonnelier et la femme qui se dévoile sous l’effet du vin et ne peut représenter que l’ivresse), Adam et Eve, la Musique et le Calcul, deux représentations féminines, les Ymagiers (Il était d’usage qu’ils se représentent. Un des deux, de plus noble allure et mieux habillé est sans doute le Maître. Est-ce Colard NOËL ?)

w Les représentations des "fous", reconnaissables à leur coiffure particulière, le capuchon à longues oreilles, genre oreilles d’âne, encore appelé coqueluchon.

w Les représentations satiriques :Animaux prêcheurs, le loup devenu berger, et Eléonore représentée en chienne.

w Le bestiaire familier : Les grives se régalant de raisin, le hibou qui a capturé un rat, l’oiseau de proie qui a attrapé un serpent, une chèvre et son petit, le porc qui mange des glands, deux écureuils, un loup et un animal difficile à identifier, qui mange du raisin à peine formé.

w Le bestiaire fantastique, les grylles et les monstres ailés.

w Les monstres à ailes de chauve-souris.

w Les têtes végétales : Quatre têtes particulières. Sont-elles excroissance de la plante ou au contraire lui donne-t-elle naissance ?

 

L’Hôtel-de-Ville est un chef-d’œuvre du gothique flamboyant. Mais c’est avant tout, sûrement, une géniale synthèse des connaissances architecturales et sculpturales du début du XVIème siècle. La conception de la géométrie mettant en œuvre la Divine Proportion et celle de l’imagerie donnant à voir les deux courants complémentaires du Temporel et de l’Intemporel n’ont pu être pensées et réalisées que par un homme au sommet de son art, capable de concevoir ces vastes ensembles et de les harmoniser. Car le livre d’Histoire de L’Art et le livre d’Histoire locale sont écrits dans la même pierre.

 

 

BIBLIOGRAPHIE DE CETTE PAGE

EXTRAIT DU LIVRE DE MR LEBRUN

Archives Municipales Ville de Saint-Quentin -Bibliothèque Municipale Fonds ancien-Jurgis BALTRUSAITIS Le Moyen Age fantastique-Roland BECHMANN Villard de Honnecourt - Ed Picard-Charles de BOVELLES *Le Livre du Sage-*Livre singulier touchant l’art et practique de géométrie(Bibliothèque de St-Quentin)-Nelly BOUTINOT St-Quentin, notre ville à travers les siècles - C.R.D.P-Collectif d’auteurs Charles de Bovelles en son cinquième centenaire-1479 - 1979Actes du Colloque International de Noyon - 1979

*St-Bernard - L’Art Cistercien - Champs - Flammarion