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les fabliaux

Le terme, d'origine picarde correspond à l'ancien français fableau et à été introduit dans l'usage critique par J. Bédier à la fin du XIXe siècle. Il apparaît dans cinquante-six textes que l'on a qualifiés pour cette raison de fabliaux certifiés: par extension. ii sert aujourd'hui d'appellation générique à près de cent cinquante œuvres brèves en octosyllabes ,à une exception près) qui présentent des caractères analogues. [...]

Le fabliau voisine avec plusieurs genres auxquels il peut emprunter çà et là plusieurs traits: le lai. le conte moral, l'exemplum, le dit, la fable. quelquefois le débat ou la nouvelle courtoise. Tous ces genres ont en commun la brièveté, et la terminologie médiévale les confond parfois derrière l'usage de termes comme ' conte ' , " dit " ou " essample ". Peut-être le critère stylistique est-il en fait le plus pertinent eu égard à la grande variété des thèmes et des tons: style bas, prédominance narrative, thématique triviale. Ces critères peuvent cependant s'accommoder, dans les meilleurs fabliaux, d'ornements rhétoriques à caractère ludique (paronomases, jeux de sonorités, jeux sur le rythme, rejets insolites). [...]

La production des fabliaux est limitée a la France du Nord, de la langue d'oïl, de la Picardie, de l'Artois et de la Normandie,viennent ensuite les provinces du centre (Bourgogne, Champagne, Orléanais);quelques fabliaux pourraient provenir de l'Ouest. La plupart sont anonymes, d'autres sont dus à des auteurs dont nous ne connaissons que le nom: Drouin de Lavesne, Eustache d'Amiens, Hugues Piaucele, Gautier le Leu, Huon de Cambrai, Croulebarbe .... Quelques-uns enfin sont signés par des auteurs bien connus par ailleurs Jean Bodel, Rutebeuf, et, au XIVe., Jacques de Baisieux, Jean de Condé ou Watriquet de Couvins. Relativement circonscrit dans l'espace, le fabliau l'est aussi dans le temps: les premiers textes apparaissent vers la fin du XIIe siècles., les derniers rie franchissent pas les années 1340. [ ...]

L'audience des fabliaux (dont la diffusion était mi-écrite, mi-orale) ne se limite pas à un public bourgeois ou aristocratique. Il existe d'ailleurs parfois des versions différentes d'un même fabliau qui témoignent de références sociales distinctes (ainsi des Tresses. d'esprit plus aristocratique que son semblable, "La femme qui prendre à son mari qu'il sonjoit"). La question du public destinataire a longtemps divisé la critique: c'est souvent une fausse question, les fabliaux prennent généralement le parti de la jeunesse contre les gens établis (paysans riches, prêtres ruraux ou chevaliers). [ ...]

L'illusion joue ainsi à tous les niveaux: les fabliaux, ou du moins les meilleurs d'entre eux, sont des jeux de masques.

La ruse, l'un des pivots des intrigues, appartient donc à l'esthétique autant qu'à la narration. Elle triomphe d'autant plus qu'elle est toujours ici un signe de vitalité: lorsqu'elle ne l'est pas, elle tourne court au profit de contre ruses plus virtuoses. C'est un point commun important avec le Roman de Renart: tous deux s'intéressent d'ailleurs à tous les types de décalages entre les comportements et la norme et de falsification du réel. Le jeu et la dimension morale sont donc, paradoxalement, inséparables

Dominique Boutet Professeur Paris Nanterre X Bibliothèque d'Arcachon 33

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 Un article qui complète mes pages sur le pain

Huit mille ans de civilisation

Né au Moyen-Orient, le pain est bien plus qu'un simple aliment. Un véritable emblème de la civilisation, miroir des sociétés qui l'ont servi à leur table.

 Son histoire se confond avec celle de l'humanité. De fait, le pain est issu dune série de découvertes et d'innovations qui ont débuté il y a huit mille ans, dans le Croissant fertile moyen oriental, où les premiers villages d'agriculteurs sédentaires ont développé la culture des céréales. Alors que s'épanouit la civilisation de la Mésopotamie, la boulangerie fait ses  premiers pas. D'abord concassées à  l'aide de pierres à moudre,  l'épeautre, l'orge, le millet, etc.  Sont consommés en soupes ou  en bouillies. Puis apparaissent des galettes non fermentées. cuites sous la cendre, à la broche, sur pierre... C'est probablement par hasard que la fermentation spontanée est découverte,  et  peu à peu maîtrisé. Trois mille ans avant notre ère, les Sumériens connaissent la fabrication de la bière et le pain levé existe sans doute déjà.

 Une vraie "civilisation du pain" va naître dans le bassin méditerranéen -à l'image des civilisation du riz en Extrême-Orient ou du maïs au Mexique où cet aliment sera adopté parles Égyptiens, les Hébreux, les Grecs et les Romains. En 2700 ans avant notre ère, les premiers en consomment une quinzaine de variétés. Ils sont aussi les inventeurs d'une meule rotative actionnée par des esclaves, qui préfigure les moulins  à traction animale et les moulins  hydrauliques des Romains. En 14 avant notre ère, est fondé à Rome un collège de meuniers boulangers.

 L'art de faire du pain gagne l'Europe occidentale occupée par les Romains. En France, son histoire reflète celle de la société. Au début du Moyen Age, il ne se consomme guère que dans les villes, les paysans se nourrissant surtout de bouillies de céréales et de galettes. Les

UNE NOURRITURE SPIRITUELLE AUTANT QUE CORPORELLE  

Symbole de fertilité, de partage. Le pain fut longtemps considéré comme une nourriture spirituelle (Le pain est au coeur de la Cène qui a institué le rite de l’eucharistie) autant que corporelle. C était un aliment sacré, un don de Dieu. Les Égyptiens, déjà, le plaçait dans les tombes en offrande à Aunis dieu des morts. Et l'on retrouve le pain au coeur des rituels religieux des sociétés judéo-chrétiennes, à commencer par l'eucharistie. Le pain est aussi synonyme de civilisation. Homère opposait les  mangeurs de pain  aux barbares. Mais il doit se mériter et est donc associé au travail dans de nombreuses expressions.

  ‘’Gagner son pain à la sueur de son front –‘’avoir du pain sur la planche’’ Seuls les meilleurs mangeront leur pain blanc quand tes autres seront confrontés a la tristesse "d'un jour sans pain  -

Les temps barbares ont ravagé l'agriculture et les famines sont nombreuses. Ce n'est qu'après l'an 1000 que la culture de céréales renaît, coïncidant avec la construction de moulins à eau et à vent, importés d'Orient par les Croisés.

 Pour faire moudre ses céréales, il faut payer un impôt (le ban) au seigneur (ou abbé) qui entretient le moulin. Le pain est cuit au four "banal" environ deux fois par mois; rassis, il se consomme trempé dans la soupe. La farine blanche de froment est réservée aux riches, les paysans consommant un pain complet, voire, par temps de disette, un "pain de misère" à base de fèves, de lentilles, de glands ou de racines. En ville se développe la profession de boulanger. Laquelle est réglementée à partir du VII e siècle, tandis que la vente et la fabrication de pain sont extrêmement surveillées dès le XIII ème siècle. Le pain est un élément clé de la paix sociale, au centre des revendications lors des émeutes de la faim. A la révolution, le Peuple réclamera d'ailleurs un "pain de l'égalité" (du pain blanc pour tous), ce que les maigres récoltes ne permettront pas avant des décennies.

 Jusqu'à l'ère industrielle, la fabrication du pain a peu varie, hormis l'utilisation de levure de bière à partir de la Renaissance, au côté du levain. Mais au XIX ème siècle, un vent d'innovation va souffler: premières machines à pétrir, moulins automatiques...

 

LE PAIN BIS S'EMBOURGEOISE

 En 1836, une boulangerie de la rue de Grenelle, à Paris, est équipée de pétrins mécaniques actionnés d'abord par un manège à chiens, puis par une machine à vapeur. Bientôt, les moulins à vent sont remplacés par des minoteries où plusieurs meules de pierre sont actionnées par la vapeur. .Avant que ce système ne soit à son tour délaissé pour une technique de mouture progressive par cylindres métalliques. Le l.1` siècle .voit, lui, la généralisation de la mécanisation des fournils, l'apparition de diviseuses (pour couper la pâte) et de façonneuses mécaniques, le développement de nouvelles techniques de cuisson ( fours à tapeur ou à air chaud, à étages, chauffés au fuel, au gaz puis à (électricité), (avènement de la surgélation de la pâte... Les mots d'ordre: productivité et pain blanc!

 

            Dans les années 30, c'est l'ère de la baguette reine. Ce pain fantaisie lancé dans les villes près d'un siècle auparavant connaît un engouement sans précédent, notamment grâce au pétrissage intensifié, mis au point par un certain Monsieur .,Albert, qui lui confère blancheur et volume sans égal... Au détriment de ses qualités nutritives et gustatives! En réaction, un courant de "rétro innovation" verra le jour à la  fin des années 70. La modernité, oui, mais au service des bons vieux pains d'antan. Pain du pauvre hier, le pain bis est ainsi aujourd'hui un must pour les tables bourgeoises! 

 

SCIENCE & VIE > FÉVRIER > 2005