bouillon ou bouilli,

Un mot qui signifiait  brouets blancs •• combinant les viandes blanches parfumés d'herbes. De même, le plus souvent, le poisson était il cuisiné dans des pots, voire simplement poché dans un poêlon d'eau frémissante puis assorti d'une sauce.

C'est encore des récipients de terre cuite que l'on utilisait pour travailler les mets dans une matière grasse, et notamment les poêles. A la disposition de la ménagère, la graisse de porc   le sain   et, dans le midi, l'huile d'olive. On réalisait aussi des fritures et des ragoûts comme les héricots ou « harigots  de mouton.

Quant aux rôtisseurs, c'est à la chaleur directe de la flamme qu'ils réalisaient leurs délices de broche, volailles, gibiers, cuisseaux de veau, voire d'ours, tandis que jus et graisse tombaient goutte à goutte dans la lèchefrite où mitonnaient quelques oignons, voire, après les croisades, des échalotes, ces oignons d'« Ascalon», ville de Palestine à laquelle elles doivent leur nom. Il y avait aussi des grillades, des tourtes, des pâtés. Et même des crêpes.

Pour finir, quelques unes des pièces rares servies au banquet que le comte de Foix, Gaston Phébus, offrit à Tours, au milieu du XIVe siècle, aux ambassadeurs de Hongrie et leur suite de 150 personnes, en présence de « tous les seigneurs et dames du roi de France » : des paons, des vautours, des hérons, des outardes, des cygnes et des oies sauvages. Ces oiseaux étaient présentés comme s'ils étaient vivants. Pour cela, la peau gardant tout son plumage était décollée à l'aide d'un tuyau glissé entre les épaules et dans lequel on soufflait. Une fois rôti, on « rhabillait » l'oiseau et, dans le cas du paon, on le présentait faisant la roue, grâce à de fines baguettes. Paul Claudel a dit " l'oeil écoute ". II mange aussi parfois! .

A s'en mordre les doigts

Banquets princiers, repas officiels ou pique niques de chasse avec le roi des veneurs, Gaston Phébus, comte de Foix, tout festin au Moyen Age commençait par un rituel: le lavage des mains à l'eau parfumée versée à l'aide d'une aiguière. Puis, selon son rang défini par l'« assiette de table u, on allait prendre place, les « grands», juchés souvent sur des sièges plus élevés que les autres invités. Sur la table, une profonde écuelle en terre, en étain ou en argent. A côté, un « tranchoir •• fait d'une épaisse tranche de pain sur lequel on coupait sa viande, parfois une salière, toujours en pain, et un gobelet de terre, voire un verre de jolie facture, avec ou sans pied.

Pas de fourchette elle n'était pas encore inventée, du moins pour cet usage ni de cuillère (elle ne servait qu'à la cuisine), seulement un couteau de la pointe duquel on pouvait porter à sa bouche les morceaux extraits du pot. On se servait des mains, éventuellement des deux, que l'on plongeait dans le plat. S'attarder trop longtemps à cet exercice ou mêler ses doigts à ceux du voisin était mal jugé.

Pareille façon de manger ne s'éteignit pas avec le Moyen Age. Montaigne reconnaissait: «Je m'ayde peu de cuillère ou de fourchette... je mors parfois mes doigts de hativeté. » Et dans son « Journal de voyage en Italie» relatant le parcours qui le conduisit de Bâle à Venise et à Florence en passant par la Suisse et le Tyrol, il s'intéresse à l'adresse manifestée par les Helvètes pour manger à la pointe du couteau: «Jamais Suisse n'est sans cousteau, duquel ils prenaient toutes choses et ne mettent guère la main au plat. » Les doigts des Français, eux, continuèrent à nager dans la sauce. Et Louis XIV, sur ses 15 ans, lors d'une collation qu'il présidait, se montra fort libéral. Le roi, raconte La Grande Mademoiselle, ne mettait pas la main à un plat qu'il ne demandât si on en vouloit, et ordonnoit de manger avec lui. »

Mais revenons à la fourchette. D'abord à deux dents en or , elle fut inventée à la fin du XIe siècle à Venise, semble t il, par une princesse byzantine épouse du doge Domenico Silvio, qui s'en servait pour piquer des fruits confits. C'est Henri III, un temps roi de Pologne, qui, passant par Venise en 1574 pour aller s'installer sur le trône de France, découvrit la fourchette et la rapporta dans ses bagages. Le succès fut d'estime. Ce n'est qu'à la fin du XVIIe siècle que la fourchette  à quatre dents   se retrouva sur toutes les tables

 

Le Point 1684 1685 /23 décembre 2004 / 145