le vin et le manger |
Comme Rabelais, ces « buveurs très illustres qui ne pouvaient oublier que Gargantua, venant de naître, ne criait pas, comme les autres enfants: Mies! mies ! mies mais: « A boyre! ! à boyre !! » Dans les régions favorables, les vignes ceinturaient les villes, et notamment Paris, célèbre pour les vins de ses coteaux: Conflans, Baguent (aujourd'hui Fontenay aux Roses), Montreuil, Issy, Vanves, Clamart, Meudon, Suresnes, Nogent, Montmartre où subsiste un •• dernier carré » , mais aussi l'ancien village de Passy, comme en témoigne sa rue des Vignes, ou Charonne, avec sa rue des Vignobles, parallèle à la rue des Haies, et qui aboutit dans la rue des Orteaux (d'« ort » , jardin) où, un demi millénaire plus tard, officiera Casque d'or. Mais il était d'autres vins que de Paris. D'abord les « étrangers », vins de Bourgogne, de Gascogne, d'Anjou qui tenaient le haut du pavé. Parmi les vignobles fameux: Beaune, Saint Pourçain, Muscadet, Arbois, Malvoisie, Orléans, La Rochelle, Nérac ou Picque Ardents. Sans compter Bordeaux et ses vins « clairets» qui, devenus clarets, partaient à pleines nefs vers l'Angleterre et la Flandre. Et d'autres régals: le « sidre •• (cidre), l'hydromel, la cervoise, la bière enfin, réalisée à partir d'orge germée et parfumée par des fleurs de houblon, qui chassa la cervoise. Des conseils pour aimer Dieu et son mari ( par le bien manger !! ) Les Français de ce temps là, et d'autres qui ne l'étaient pas encore (Bretons, Bourguignons, Lorrains, Angevins, Aquitains, Provençaux, Catalans, Alsaciens, Savoyards, Corses ou Niçois) partageaient le goût du bien manger. On découvrait un Taillevent, Guillaume Tirel, dit Taillevent, avait commencé sa carrière en 1326 comme garçon de cuisine, « galopin » ou •• happelopin » (c'est à dire gourmand), ainsi qu'on disait en se moquant gentiment, au service de la reine Jeanne d'Evreux, épouse de Charles IV le Bel, le dernier des Capétiens directs. En 1346, le marmiton a pris du galon: il est•• queux » chez le premier des Valois, Philippe VI. A partir de 1364, triomphe de la réussite rôtisseuse, le voilà « maistre queux» et sergent d'armes du grand roi Charles V jusqu'à la mort de celui ci en 1380, puis de son fils Charles VI. Lorsque ce roi devient fou (en 1392), Taillevent est « maistre des garnisons de cuisines du roi ».
Art de vivre plein de surprises Le •• Menagier « est l'oeuvre d'un inconnu, bourgeois parisien d'âge moyen, à l'intention de sa jeune femme de 15 ans afin de lui donner des conseils pour aimer Dieu et son mari, tenir son rang et sa maison. Une partie de l'ouvrage est consacrée aux recettes qui nous éclairent sur la cuisine « bourgeoise» du XVe siècle. Le Viandier » est plus professionnel. On en connaissait quatre versions manuscrites. Toutes présentent des variantes dans les recettes. L'ouvrage, qui connut au XVIe siècle quinze éditions imprimées, est généralement attribué au grand maître queux (du latin coquus, « cuisinier ») Guillaume Tirel, dit Taillevent, utilisant sans doute un document plus ancien puisqu'un exemplaire du Viandier » a pu être daté vers 1300, alors que Taillevent n'était pas encore né (voir ci dessous). Grâce au « Ménagier » et au « Viandier », on connaît beaucoup de recettes, de produits ou de matériels utilisés,et certains tours de main pour éviter qu'un « potaige ne s'aourse (ne brûle). L'essentiel de la cuisine s'effectuait dans des céramiques qu'on plaçait au dessus des braises ou à côté des flammes. C'est dans ces récipients qu'on réalisait les « potaiges » proches de nos potées ou de notre pot au feu , comme ce « potaige à la petite oé » (oie) où, autour de la volaille, clous de girofle, poivre et gingembre s'associaient à la sauge et au persil. C'est de cette façon que se mitonnaient de savoureux brouets,
Le mot de garnison n'est pas trop fort, car c'est une petite armée de bouche qui s'empresse autour des tables royales. L'Hôtel du roi (de 700 à 800 personnes) comprenait des personnages considérables, grands officiers de la couronne: le chambrier de France, le grand chambellan, le connétable, le bouteiller, le grand échanson, le grand panetier, le grand queux, c'est à dire Tirel /Taillevent. Et derrière celui ci, côté cuisine, tout un petit monde: queux, clercs de cuisine, •• aydeurs » , « potagiers », souffleurs, bûchiers, enfants de cuisine, porteurs d'eau, valets servant à l'écuelle et valets de la chaudière, sauciers, broyeurs au mortier ou gardes manger chargés de veiller sur les aliments. Tirel, son •• Viandier » à portée de main, animait cette monstrueuse brigade. Il s'est assuré une jolie fin dernière: sa pierre tombale, gravée et incrustée de marbre, le représente entre ses deux épouses (successives). Taillevent, anobli, apparaît armé comme un chevalier portant son écu •• à la face chargée de trois marmites et accompagné de six roses» a
|