Quelques extraits
de chroniques SUR LA RECONSTRUCTION
L'administration
française se trouve accusée de traiter les réfugiés à la façon cruelle
de l'ennemi. Le deuxième point sensible est la question de l'application des lois d'assistance aux réfugiés. Le droit des réfugiés stipule en effet que tout réfugié, dès son arrivée dans son lieu d'exil, doit être sur sa demande et sans discussion inscrit sur la liste des allocataires. Ils peuvent en outre percevoir des secours de loyer. Les plaintes étaient nombreuses sur la situation faite aux réfugiés par des interprétations trop étroites du statut administratif régissant ces questions. Ils ont trop souvent le sentiment d'être considérés comme des mendiants par des populations qui ne peuvent prendre la mesure de leur détresse. Le préfet note à juste titre que du sort réservé par le pays et par l'Etat à ces réfugiés, soudainement privés de tout et qui attendaient secours et sollicitude du reste du pays, allait dépendre, au lendemain de la guerre, la confiance que les populations touchées leur accorderaient dans le règlement de la question des réparations. Il perçoit, dès août 1918, la nécessité de préparer l'avenir et les risques de genèse d'un contentieux entre ces populations frappées par la guerre et le reste du pays °. Le contrôle postal relève le sentiment général qui émane du courrier civil : « les habitants auraient besoin de se sentir plus soutenus » A cet égard, la période de la sortie de guerre se révèle déterminante. Les habitants des cantons dévastés, qui sont revenus dans leurs villages détruits, ont été confrontés à des difficultés considérables liées aux conditions matérielles spécifiques aux régions libérées et aggravées par les chicaneries et l'incurie administratives. La période a nourri bien des désillusions alors que le retour au foyer et sur la terre natale semblait devoir mettre un terme aux souffrances grâce à la sollicitude des pouvoirs publics. L'armistice ne met pas fin au contentieux, il semble confirmer l'isolement de la région. Les premiers mois furent
particulièrement difficiles : les baraquements indispensables pour loger les
populations et les ouvriers ne sont pas disponibles en nombre
suffisant, les réparations urgentes aux maisons endommagées sont retardées
par le manque de main-d'oeuvre et de matériaux de construction, les
difficultés de transport liées au manque de camions et à la détérioration
des chaussées, handicapent les débuts de la reconstruction économique. La
situation est particuliè Le marché de la reconstruction devait être réservé à des entreprises françaises travaillant au sein de secteurs de reconstruction, rassemblant plusieurs villages........... Dans bien des cas, des
coopératives livrées à elles-mêmes ont été exploitées par des entrepreneurs
peu scrupuleux qui après les avoir liées par des contrats léonins, ont
exécuté des travaux au prix fort et dans les conditions les plus
défectueuses...... En dehors des entreprises de secteurs, celles qui
travaillent actuellement pour des coopératives isolées ont accepté les
conditions raisonnables qui leur ont été demandées, nous avons d'autre part,
la certitude qu'elles offrent les garanties professionnelles nécessaires »
............. En dehors des critiques
démagogiques et traditionnelles portant sur le rapport Paris-province, cette
critique des « Parisiens » traduit la volonté d'échapper à une
reconstitution étatique. Si l'Etat doit s'engager financièrement, les
Picards doivent rester maîtres de leur reconstitution. C'est ce qui explique
la formation, au sein du Ce que nous demandons à l'Etat, et là je serai certainement d'accord avec vous, c'est d'aider de toutes ses forces, par tous les moyens dont il dispose, l'initiative de l'individu qui veut se reconstituer » , C'est pourquoi les coopératives de reconstruction sont encouragées. . Elles apparaissent quand les sinistrés sont confrontés à divers problèmes : des intermédiaires peu fiables, la difficulté de trouver pour la reconstruction des villages des entrepreneurs plus occupés par la reconstruction des grands centres, la difficulté de loger des ouvriers sans abris. Les premières coopératives apparaissent dès 1919, l'initiative venant de Meurthe-et-Moselle. La première coopérative de l'Aisne est fondée en février 1919 à Blérancourt, celle de Soissons date de mai 1919. Dans le département de la Somme, en 1919 et 1920, jusqu'à la promulgation de la loi du 15 août 1920, 196 coopératives libres sont constituées Au Congrès des maires de juillet
1919, le préfet Morain avait encouragé la constitution de sociétés
coopératives civiles, considérant que l'intérêt des sinistrés était de se
grouper au moins par villages pour entreprendre ensemble, par des moyens
communs, la reconstruction de leurs immeubles 2'S. La loi du 15 août 1920
est la véritable charte des coopératives. I; article le' définit l'objet de
ces coopératives : « Des sociétés coopératives de reconstruction peuvent
être constituées entre personnes ayant droit à indemnité pour réparation de
dommages immobiliers ou leurs ayants cause en vertu de la loi du 17 avril
1919. Ces sociétés ont pour objet de procéder, pour le compte de leurs
adhérents, à toutes les opérations relatives à la reconstitution
immobilière, notamment à la préparation des dossiers, à l'évaluation des
dommages, à l'exécution, à la surveillance et au payement des travaux de
réparation ou de reconstitution et au remploi des avances et acomptes prévus
par la loi susvisée ». Selon l'article 11, les coopératives peuvent se
grouper en unions pour passer des marchés, effectuer des achats en commun,
centraliser leurs opérations de comptabilité et s'aider mutuellement dans la
gestion de leurs intérêts communs. |